Droit de vote des femmes : un long processus

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  • Publié le 29/04/2025
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Le 29 avril 1945, les Françaises votaient pour la première fois lors des élections municipales. Éclairage sur l’évolution historique de ce droit et sur son ancrage dans l’histoire électorale française.

Émergence progressive de la revendication du suffrage féminin

Le suffrage féminin en France est le résultat d’un combat de longue durée, porté par des figures militantes et des mouvements féministes.

Parmi les premières voix à s’élever, Olympe de Gouges (1748-1793) est une figure historique des revendications en faveur de l’égalité civique entre les sexes. Elle défend, dès la Révolution française, l’idée d’une égalité politique entre les sexes. 

« La femme a le droit de monter sur l’échafaud, elle doit avoir également celui de monter à la tribune. »

Olympe de Gouges - Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne (1791)

Plus d’un siècle plus tard, les « suffragettes » militeront pour faire reconnaître ce droit de suffrage. C’est le cas d’Hubertine Auclert (1848-1914), qui milite activement dès la fin du XIXe et qui fonde en 1876 la société "Le droit des femmes" qui deviendra par la suite la "Société pour le suffrage des femmes". En 1881, elle crée le journal La Citoyenne pour défendre l’égalité politique entre les sexes. Elle ne milite pas seulement pour le droit de suffrage, mais aussi pour l’éligibilité des femmes.

Elle refuse notamment de payer ses impôts, pour protester contre son exclusion du suffrage, et se justifie dans une lettre ouverte au préfet de la Seine.

« Les femmes qui subissent les lois et paient les impôts, ainsi que les hommes, doivent avoir, comme eux, le droit de voter […]. Je n’ai pas de droits, donc je n’ai pas de charges ; je ne vote pas, je ne paye pas. »

Hubertine Auclert, Le XIXe siècle, 0 avril 1880, p 1/4

Elle est également l’une des premières à utiliser le terme de « suffragette » en France, et à porter publiquement la revendication du droit politique pour les femmes. Son engagement contribue à structurer les revendications féministes du début du XXe siècle, et à préparer l’émergence de mouvements organisés en faveur du suffrage féminin.

Dans cette lignée, Louise Weiss (1893-1983) fonde l’association "La femme nouvelle", qui structure la lutte pour le droit de vote des femmes en France. Par ses prises de position publiques et les initiatives menées dans l’espace médiatique et associatif, elle participe activement à la structuration du mouvement en faveur du suffrage féminin. Directrice de la revue L’Europe nouvelle, elle y publie de nombreux articles portant sur la question de l’accès des femmes à la vie politique.

Malgré ces initiatives, les propositions en faveur du droit de vote des femmes ne sont pas adoptées par le Parlement avant la Seconde guerre mondiale. Ce n’est que dans le contexte du conflit que la question revient à l’agenda politique et fait l’objet d’un traitement institutionnel concret.

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La Seconde guerre mondiale a été un moment clé dans l’accélération du débat sur le suffrage féminin en France.

Entre 1942 et 1944, dans le contexte de La Résistance, la question de la participation des femmes aux élections est à nouveau évoquée. Le général de Gaulle évoque dès 1942 la nécessité que « les hommes et les femmes » participent ensemble à l’élection d’une nouvelle Assemblée nationale après la Libération.
Cependant, l’Assemblée consultative provisoire rencontre des oppositions internes, notamment celle de Paul Bastid, ancien député et professeur de droit public, qui refuse d’approuver la mesure.

Quelques initiatives locales précèdent toutefois la reconnaissance officielle du suffrage féminin. En Corse, libérée dès 1943, des élections municipales sont organisées de manière informelle, souvent à mains levées. Dans ce cadre, certaines femmes prennent part au vote et sont même élues, bien que ces scrutins ne reposent sur aucune base juridique. Dans ce contexte, Renée Pagès-Perini devient l’une des premières femmes élues localement. Avant même l’ordonnance de 1944, certaines femmes sont appelées à exercer des fonctions gouvernementales : en 1936, trois femmes sont nommées sous-secrétaires d’État dans le gouvernement du Front populaire.

La reconnaissance officielle du suffrage féminin intervient par l’ordonnance du 21 avril 1944, adoptée à Alger par le Comité français de la Libération nationale (CFLN).
L’Assemblée consultative provisoire d’Alger, mise en place par le Comité français de la Libération nationale (CFLN) approuve l’octroi du droit de vote et d’éligibilité des femmes, lors de ses séances des 24 et 27 mars 1944. Ce droit est inscrit dans l’ordonnance du 21 avril 1944, publiée au Journal officiel le lendemain, et confirmé par l’ordonnance du Gouvernement provisoire de la République française (GPRF) à Paris le 5 octobre 1944.

Dans un discours historique, le général de Gaulle affirme que « le régime nouveau doit comporter une représentation élue par tous les hommes et toutes les femmes(1) de chez nous », scellant ainsi l’égalité politique des sexes.
Le 29 avril 1945, lors des élections municipales, les Françaises votent pour la première fois. À cette occasion, le corps électoral est composé environ de 53% de femmes , une donnée qui reflète la part majoritaire des femmes dans le corps électoral lors de ce premier scrutin.

1 - Mossuz-Lavau, Janine. « Le vote des femmes en France (1945-1993). » Revue française de science politique 43, no. 4 (1993).

Si l’ordonnance de 1944 marque une avancée majeure, la participation des femmes reste, dans un premier temps, inférieure à celle des hommes. En 1951, les femmes représentent trois quarts des abstentionnistes, bien qu’elles constituent 54 % du corps électoral.

Dans les années 1970, la participation féminine se rapproche de celle des hommes.

La participation féminine aux scrutins devient progressivement comparable à celle des hommes, témoignant de leur intégration croissante dans la sphère politique. En effet, au fil des années, les femmes considèrent de plus en plus leur vote comme un moyen légitime de s’exprimer et d’influencer les choix politiques, bien que la majorité des candidats restent des hommes.

En 1986, pour la première fois, les taux de participation féminins et masculins sont identiques. Les sondages réalisés en 1981 par la SOFRES montrent qu’à l’occasion des trois tours sur quatre des élections présidentielles et législatives d’avril à juin, les femmes ne s’abstiennent pas plus que les hommes. Aux élections législatives de 1993, 23% des hommes s’abstiennent contre 24% chez les femmes.

2 - Ysmal, Colette. "Le Vote Des Femmes Depuis 1945." Revue Des Deux Mondes, no. 4 (1995).

L’obtention du droit de vote ne signifie pas pour autant l’égalité en politique.

  • En 1945, seules 33 femmes sont élues députées à l’Assemblée nationale, représentant moins de 6 % des sièges.
  • En 1970, les femmes représentent moins de 2 % des députés.
  • En 1997, elles sont 10,9 %.

Cette situation évolue avec la loi sur la parité, adoptée le 6 juin 2000, qui impose 50 % de femmes sur les listes électorales des scrutins proportionnels. Elle constitue une étape majeure dans la progression de la représentation féminine au sein des assemblées élues.
Afin de renforcer cette dynamique dans les scrutins majoritaires, d’autres dispositifs ont été progressivement instaurés :

  • la loi du 17 mai 2013 relative à l’élection des conseillers départementaux a instauré le principe du binôme paritaire femme-homme pour chaque canton.
  • Des mécanismes de production financière ont été appliqués à partir de 2014 pour inciter les partis à présenter un nombre équilibré de candidates et de candidats aux élections législatives.

Ces dispositions ont permis des avancées significatives en matière de parité parmi les élus. Ainsi :

  • depuis 2015 : la parité est atteinte dans les conseils départementaux selon le principe du binôme paritaire.
  • En 2020, 42,4 % des conseillers municipaux sont des femmes (contre 39,9 % en 2014).
  • La part des femmes maires reste plus faible, à 19,8% en 2020, mais progresse par rapport à 16,9% en 2014.
  • Parmi les exécutifs locaux, la part des femmes premiers adjoints atteint 33,3% (contre 29,1% en 2014).
  • En 2022, 39 % des députés sont des femmes.

En France, le ministère de l'Intérieur organise les élections politiques. C'est le bureau des élections qui coordonne l'organisation globale des élections au niveau central.
Le bureau des élections relève de la direction des Missions de l'administration territoriale et de l'encadrement supérieur.